Titanoboa, le plus grand serpent du monde, mangeait des crocodilesPar Jean-Luc Goudet,
Futura-Sciences Dans une mine de charbon colombienne gisait un fossile d'un gigantesque serpent long de treize mètres. Il y a un peu moins de 60 millions d'années, Titanoboa cerrejonensis devait se nourrir de crocodiles. Sa taille, expliquent ses découvreurs, impliquent un climat très chaud.Au nord-est de la Colombie, Cerrejón, la plus grande
mine de charbon à ciel ouvert du monde, a livré une flore fossile
intéressante. Les paléobotanistes la connaissent comme la formation
Cerrejón, datée entre -60 et -58 millions d'années, en plein
Paléocène, première époque du
Cénozoïque, juste après l'épisode d'extinction massive qui a coûté la vie aux
dinosaures. Elle vient à nouveau de défrayer la
chronique avec la découverte de fossiles de serpents géants d'une
espèce jusque-là inconnue. Ce
reptile décroche le record de longueur, avec une taille entre 12,6 et 13,5
mètres, pour un poids pouvant aller jusqu'à 1,25 tonne. A titre de
comparaison, les plus grands serpents actuels, les anacondas, ne
dépassent pas 7 mètres.
Ses découvreurs, notamment Jason Head (
Department of Biology, université de Toronto, Mississauga, Ontario, Canada) et Jonathan Bloch (
Florida Museum of Natural History, université de Floride, Etats-Unis), l'ont baptisé
Titanoboa cerrejonensis, le
titanesque boa de Cerrejón.
Grâce aux vertèbres et aux côtes qui ont été dégagées, appartenant à 28
individus, les paléontologues ont en effet pu rapprocher cette espèce
disparue du boa constrictor, qui vit aujourd'hui en Amérique du sud mais
ne dépasse pas les quatre mètres. A proximité immédiate des ossements
des serpents se trouvaient ce qui semble être les restes de leurs
derniers repas, constituées de tortues géantes et de crocodiles.
Saurez-vous
attribuer ces deux vertèbres à leurs propriétaires respectifs, sachant
que l'une est celle d'un anaconda actuel et l'autre a appartenu à un
titanoboa ? © Ray Carson/Université de FlorideFaisait-il plus chaud qu'aujourd'hui ?Cette taille immense soulève le problème... du climat. Les serpents étant
poïkilothermes (ce qui signifie que leur
température corporelle varie), leur taille est limitée par la température extérieure. Basse, elle impose un
métabolisme lent qui ne peut suffire à un corps trop grand. En comparant avec les
espèces actuelles de serpents, les auteurs estiment qu'il devait faire
chaud dans la Colombie du Paléocène, entre 30 et 34°C estiment-ils.
Cette valeur rejoint celle qu'indiquent les modèles climatiques, prédisant pour cette période une forte concentration de
gaz carbonique. Elle confirme qu'à cette époque, il existait entre les régions tropicales et les
latitudes plus hautes une différence de température semblable à celle que nous
connaissons aujourd'hui. Cette déduction contredit une autre hypothèse
qui suggère une zone tropicale en quelque sorte thermostatée avec une
température stable quand les autres régions de la planète voient les
températures monter ou descendre.
Cité par le magazine en ligne de
Nature, le
biologiste Harry Greene (université de Cornell) fait remarquer que
l'évaluation de la température à partir de la taille de ce titanoboa
s'appuie sur une longueur maximale des anacondas actuels de 7 mètres
environ. Il suffirait donc de dénicher dans la forêt amazonienne un
spécimen nettement plus grand (le record officiel est de 10 mètres) pour
que l'on doive revoir à la baisse la température au Paléocène...